Au croisement de la sociologie du militantisme et des études de genre, cette communication revient sur une recherche menée dans le cadre d’une thèse en science politique. Cherchant à mettre à jour les rapports de genre qui se trament dans l’engagement antispéciste, la présentation issue de ce travail repose sur les premières données empiriques produites au cours de l’enquête de terrain. Le matériau a été récolté au cours d’une démarche ethnographique mêlant observations et entretiens semi-directifs conduits auprès de militant·e·s de différentes organisations antispécistes en France et au Québec. Entre autres constats, ce travail met en lumière le processus de dévirilisation symbolique auquel s’exposent les hommes antispécistes. Le mode de vie végan, auquel s’astreint la quasi-totalité des militant·e·s, induit effectivement des répercussions sur leurs identités de genre. En abandonnant un régime alimentaire carné, les militants sont accusés de renoncer à «un de leurs privilèges masculins» (Adams, 2016, p. 88), puisque la consommation de viande serait vectrice de « virilité » (Giroux & Larue, 2017, p. 78). Leurs opposant·e·s renvoient donc ces « corps végétariens » à leur défaillance fonctionnelle présumée, ainsi qu’à leur efféminement supposé. En outre, cette communication met en exergue les représentations que les opposant·e·s véhiculent à l’égard de ces militants. En effet, en plus de considérer qu’ils renoncent à une part de leur virilité en abandonnant un aliment constitutif de la « mythologie de la culture patriarcale » (Adams, 2016, p. 79), ils les accusent également de renier des pratiques masculines, véritables « havres d’exclusivité masculine » (Luke, 2007, p. 13). Dans leurs discours, ce discrédit des militants irait donc de pair avec la promotion de valeurs qui reflèteraient une « sensiblerie » exacerbée et qui valideraient l’idée latente d’une « féminisation des mœurs » et d’une « crise de la masculinité ».