La philosophie de l'éducation de Kant s'inscrit dans le contexte historique de la fin du XVIIIe siècle sous un double rapport : elle prend place tout d'abord au sein d'une dynamique de la réflexion philosophique sur l'enfant et sur l'éducation, initiée par Locke et Rousseau au milieu du siècle. Cette dynamique prend sa source dans la problématique de la spécificité de l'enfant et du respect de sa nature propre, en réaction à la discordance plus ou moins explicite entre le contenu de l'enseignement tel qu'il peut être dispensé dans les collèges d'ancien régime, et les possibilités mentales des élèves. Pour le dire dans les termes de Philonenko : « Trop souvent l'enseignement dispense des connaissances que l'élève n'est pas en âge d'assimiler réellement ; l'enseignement bouscule ici la nature ». Cette description témoigne alors du caractère inadéquat et du décalage qui régit les rapports entre l'enseignement et la nature de l'enfant. Prenant acte d'un tel enjeu, la fin du XVIIIe siècle marque alors la naissance d'un intérêt nouveau : celui du « sens de l'enfant » et d´une certaine conception de la nature, à partir duquel il s'agit de penser et d'établir des fondements rationnels à l'éducation. Comment l'éducation peut-elle accomplir la fin dernière de la nature et être alors le vecteur de cette moralisation progressive de l'humanité, à partir de ce qu'il y a justement de plus naturel et de plus originaire en l'homme ?